La série des Plongeurs, peinte dès le début des années 1960, est probablement l’une des plus emblématiques dans le mode de production sériel adopté par Édouard Pignon à partir de 1945. Essentielle dans le parcours de celui qui est considéré comme l’un des principaux acteurs de la peinture figurative en France dès l’immédiat après-guerre, la période est jugée par nombre d’observateurs comme l’une des plus abouties dans la démarche créatrice du peintre en pleine possession de ses moyens, bénéficiant d’une notoriété de plus en plus grande après la rétrospective au musée national d’art moderne à Paris en 1966.

Prenant la suite des déchirements colorés des Combats de coqs et des Battages, les Plongeurs lui permettent de dévoiler le monde visible pour en donner une image hors du commun, entre figuration et abstraction. Sur la plage, au pied des plongeoirs, Édouard Pignon scrute des heures durant les corps qui fendent la vague, prenant note des tensions et des tracés pour n’en retenir que l’image ultime : celle des pieds qui disparaissent dans les flots. Cette thématique lui offre à la fois la possibilité de creuser et de « presser » le réel pour en révéler les articulations, mais aussi lui laisse l’opportunité d’introduire dans la peinture une puissante nouveauté : l’image d’action.

Depuis les débuts de la série des Plongeurs jusqu’à son aboutissement, l’exposition du musée de Morlaix propose un développement chronologique de près d’une dizaine d’années, de 1959 à 1966, complété par l’approche différente du thème qu’en fait Pignon dans les années 1980 lorsqu’il se le réapproprie pour en donner une nouvelle version avec les Plongeurs-flèches.

Prenant le parti de dérouler le travail de l’artiste par séquences – les premières œuvres inspirées de la jetée du Mourillon à Sanary (1957-60), les premiers plongeurs dit « verticaux » (1961-62), le face-à-face avec la mer avec les études de vagues (1961-62) puis l’épanouissement de la période des plongeurs (1965-66), le parcours s’attache à montrer l’élaboration de l’œuvre depuis les carnets d’études, les aquarelles et les huiles, tout en soulignant la méthode du peintre qui ne s’interdit rien, surtout pas un va-et-vient permanent d’une technique à l’autre.

L’accrochage est ainsi constitué de dessins à l’encre de Chine, au crayon graphite ou encore aux crayons de couleur, de gouaches et d’aquarelles et d’un nombre important d’huiles dont plusieurs de grands formats. Par ailleurs, en dehors des tableaux provenant de collections publiques ou de collections particulières, la sélection privilégie un angle plus privé avec des œuvres inédites, conservées par-devers lui ou peu montrées, la famille ayant consenti des prêts exceptionnels à l’occasion de l’exposition.

La série des Plongeurs s’étant prolongée par des « céramiques sculptures » monumentales où Édouard Pignon sculpte ses plongeurs sur fond de ciel azur, une section de l’accrochage est également consacrée à la céramique de l’école d’art de Marseille-Luminy (1973), mettant en dialogue des travaux préparatoires, des maquettes et une toile monumentale.

Dans son propos, l’exposition entend revenir sur les principaux enjeux de cette peinture – la construction de l’espace, l’articulation des formes, la question de la couleur, la représentation du visible – tout en mettant en valeur la modernité de l’œuvre.

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